vendredi 10 avril 2015

La séduction d'Orfeo

Mercredi soir à la Philharmonie 2, c'était le retour d'un spectacle donné plusieurs fois déjà dans d'autres salles: Orfeo ed Euridice de Glück par l'Insula Orchestra et Accentus dirigés par Laurence Equilbey, avec Franco Fagioli dans le rôle du poète mythique, Malin Hartelius en Euridice et Emmanuelle de Negri en Amore.

Concert donc déjà donné les années précédentes, muri par tous les interprètes et parti pour une tournée qui sera suivie d'un enregistrement CD. Et il va sans dire que cela vaut vraiment une gravure!

L'Insula Orchestra, formation qui joue sur instruments anciens, a une belle sonorité, même si les bois manquent de projection. Sous la direction décoiffante (au sens propre comme au figuré) d'Equilbey, cela danse, se colore, vibre à l'unisson des chanteurs. Dans une petite salle intime comme la Philharmonie 2, c'est très réussi. Et c'est pourtant le moindre des succès de cette soirée.

C'est qu'il y a le choeur Accentus! On peut le dire sans aucune exagération : il n'y a pas aujourd'hui au monde de choeur d'oratorio qui lui arrive à la cheville. Quelle présence, quels couleurs, diction, timbres! Une merveille. Tour à tour bergers en deuil, âmes perdues des Enfers, Bienheureux élyséens, ils sont le Choeur antique, personnage à part entière de la pièce. Bravo à eux!

Côté solistes, les trois personnages du drame ont trouvé des interprètes de référence pour cette version de Vienne (en italien et rôle titre pour alto). Emmanuelle de Negri est un Amore au timbre exquis, perlé, sensuel et espiègle à la fois. Malin Hartelius apporte sa noblesse de ton et son art de la déploration à une Euridice très femme et très séduisante.
Et comme on s'y attendait, le contre-ténor assoluto Franco Fagioli est un exceptionnel Orfeo. Sa plainte fendrait des rochers, sa séduction des Enfers ferait fondre les coeurs les plus secs, ses vocalises sont ébouriffantes et son "Che faró senza Euridice" absolument déchirant. Fantastique. Cette capacité unique qu'a ce chanteur de solliciter quasi sans passage un registre grave di petto et une voix de tête sonore est simplement stupéfiante. Et dans ce rôle écrit pour la voix grave du castrat alto Guadagni, il est le seul des contre-ténors actuels à rendre justice à la musique de Glück. Bravo, Franco, incomparabile!

Pour ceux qui ont raté cette grande soirée, le même concert donné la veille à Poissy est disponible en replay pendant quelques jours sur Culturebox!