mardi 13 juin 2017

Brillez, belle Tatiana! | Eugène Onéguine, ONP 11/06/2017

Avant dernier spectacle de ma saison : Eugène Onéguine dans la version déjà vue de Willy Decker.
Je me réjouissais de réentendre Peter Mattei dans un rôle majeur du répertoire pour baryton et de découvrir la Tatiana de Sonya Yoncheva dans la même mise en scène que celle dans laquelle Olga Guryakova m’avait enchantée il y a des années.
Mais hélas, Yoncheva a décidé, très en amont, de se retirer, ne désirant plus chanter le rôle, remplacée par une inconnue à mon bataillon : Nicole Car (je précise que je ne me suis pas reportée sur les dates avec Netrebko car elle n’a pour moi plus l’âge du rôle, qu’elle aborde à mon sens 10 ans trop tard, tant vocalement que physiquement).

Et quelle grande et belle découverte que Nicole Car ! Elle a non seulement la voix du rôle, claire, bien projetée, veloutée, jamais forcée, mais en plus elle a la vérité absolue du personnage : elle est Tatiana, de la jeune fille rêveuse des 2 premiers tableaux à la femme épanouie à défaut d’être heureuse du troisième… au point que ma petite dernière n’arrive pas à comprendre que son vrai nom n’est pas Tatiana !
Face à elle, l’Onéguine de Mattei impressionne pas les moyens ainsi que par l’homogénéité d’une voix qui s’épanouit sans difficulté aucune sur toute la tessiture et par un timbre d’un charme fou. Ces amants magnifiques transcendent la dernière scène, déchirante de vérité et de beauté musicale.

Les seconds rôles sont également de grande qualité : très beau Lenski de Pavel Černoch, dont la voix, à défaut d’être très puissante, a un joli timbre argenté et qui émeut dans son air d’adieu ; la désormais bien connue Madame Larina d’Elena Zaremba assure avec noblesse et l’Olga de Varduhi Abrahamyan a des graves somptueux même si, dans son interprétation, elle semble beaucoup plus mûre que Tatiana, qui est censée être sa sœur aînée. Enfin, magistral Prince Grémine d’Alexander Tsymbalyuk : noblesse de l’émission, graves abyssaux, prestance : splendide.
Les chœurs de l’ONP, dans un bon jour (ce n'est pas toujours le cas pour les matinées), réussissent quant à eux tous leurs numéros et notamment le chœur des paysans du 1er acte, toujours galinodermiphère.

Et enfin, mon grand cri du cœur du jour : qu’est-ce que c’est bien, l’opéra, avec un chef plus « pêchu » que Philippe Jordan ! Dynamisme, transparences, caractère… voilà ce que Edward Gardner a su insuffler à l’orchestre en cette après-midi et qui nous manque tant lorsque les musiciens ronronnent sous la baguette monotone de son confrère helvète. Mention spéciale au hautbois solo, très en verve dans l’air de la lettre.

Une représentation pour laquelle je n'ai pas de réserves musicalement, ce n’est pas tous les jours à l’ONP !