dimanche 13 août 2017

Mort sur le Nil | Aida | Salzbourg | 12/08/2017 (TV)

Enfin elle a eu lieu, cette diffusion télé que j'attends depuis le début de l'été. Merci Arte pour ce moment, qui fut pour moi très bon. Voici donc un petit compte-rendu à presque chaud.

Évacuons en premier le sujet de la mise en scène. Dans les plus: de belles images, de beaux costumes, de belles lumières. Dans les moins: aucun théâtre. Mais fallait-il s'attendre à autre chose en confiant la mise en scène à une vidéaste/photographe? Que ne lui a-t-on adjoint un vrai professionnel du théâtre? Si faute il y a, elle n'est pas chez Shirin Neshat, qui a fait, et bien, ce qu'elle sait faire, elle est chez la direction du festival qui lui a donné une mission d'une ampleur déraisonnable, sachant en plus qu'Aida, opéra où il y a somme toute peu d'action (un livret en cela très wagnérien, je trouve) n'est jamais facile à mettre en scène. Je reconnais un grand mérite à ce qui est donc une mise en images: pas de kitsch égyptien (pas comme à Orange) et une scène finale épurée d'une grande beauté.

Côté fosse, les Wiener nous ont gratifiés de belles couleurs, surtout chez les vents, mais je n'ai pas été emballée. J'ai trouvé Muti assez uniformément lent et majestueux, cela manquait à mon goût de contraste et de dynamique, notamment dans les ballets, peu enlevés... bref, il manquait la fougue. Les choeurs d'ailleurs m'ont semblé un peu apathiques. Reste le final, où Muti se montre d'un lyrisme poignant qu'on eut aimé entendre plus tôt. Moins de rigueur et plus de coeur en somme.

Côté chanteurs, un beau Roi de Tagliavini, d'une grande noblesse, et un messager et une sacerdotessa sonores et bien chantants. Par contre, le Ramfis pâteux se Belosselsky m'a agacée. Que de lourdeur!!!
Luca Salsi est un Amonasro qui en impose, à l'aigu glorieux et au phrasé racé. Il réussit à faire grande impression dans un rôle assez court. C'est une vraie performance.
Ekaterina Semenchuk est, comme avec Pappano à Rome, une belle Amnéris. Elle était il me semble la seule du quatuor principal à ne pas effectuer sa prise de rôle. L'aigu est splendide, les graves toujours trop poitrinés pour moi, et la chanteuse assez peu investie, sauf dans la scène du jugement où elle lâche les chevaux. À croire qu'elle se réservait pour ça.
En Radamès, Francesco Meli effectuait une prise de rôle qui m'a étonnée quand elle a été annoncée: je ne l'y attendais pas. Beau défi, partiellement relevé. Vocalement, après un Celeste Aida bien phrasé, avec une grande attention au mot, mais nerveux et frisant l'accident sur le morendo final, il a progressivement pris ses marques, nous livrant un Radamès plus tendre que d'habitude, ne cédant jamais à la tentation du volume mais manquant parfois un peu d'épaisseur dans les ensembles. Ceci dit, il se chauffe au fur et à mesure et réussit une très belle seconde partie, culminant dans une scène finale de haute tenue, où il fait preuve d'un souffle infini et ose des demi-teintes de folie. Hélas, côté caractérisation, la mise en scène ne l'aide pas. Habillé comme un militaire puis comme un Jedi, jeune et séduisant, il a fière allure... mais c'est à peu près tout. Meli n'est pas un acteur né, alors quand en plus on ne lui donne rien à faire qu'à baisser les yeux avec un air coupable ou à lever le menton pour faire martial... je lui souhaite de garder le rôle à son repertoire et d'avoir l'occasion de l'approfondir scéniquement.
Reste la reine de la soirée: la céleste Aida d'Anna Netrebko. Fracassante prise de rôle. Quel timbre, pulpeux, riche en couleurs, quelle homogénéité des registres, quels aigus filés de folie!!! Elle réussit le tour de force d'allier des graves incroyables, jamais forcés, à des aigus limpides comme de l'eau sans qu'on entende jamais de passages. Mais j'ai quand même des réserves, essentiellement sur le souffle. Est-ce dû aux tempi lents de Muti? Elle respire trop souvent et à contre-texte, brisant la ligne là où on la sent capable pourtant de conduire une longue phrase. Quel dommage! J'espère que cela disparaîtra avec la fréquentation d'un rôle qui désormais lui appartient sans conteste. Alors mon bonheur sera complet!

PS: cette Aida sera disponible un mois sur Arte Concert et fera l'objet d'un DVD édité par C-Major.