mardi 13 octobre 2015

Une Aida vraiment céleste

Il est arrivé dans ma boîte aux lettres, ce CD, annoncé à grands renforts de battage médiatique comme l'événement opératique de 2015 : une intégrale studio de Verdi, comme seul peut se le permettre Antonio Pappano dans le contexte morose de l'enregistrement classique... à condition qu'il puisse rassembler un cast qui fait vendre autour d'un opéra à "tubes"!

Voici donc Aida et ses trompettes, sonnant pour l'inestimable Anja Harteros et le désormais inévitable ténor, star de tout enregistrement dont on parle, Jonas Kaufmann.

J'aurais acheté ce CD juste pour Pappano et Harteros, dont je ne doutais pas qu'ils sauraient magnifier une oeuvre que j'ai toujours adorée, mais j'avais de grosses réserves sur Jonas Kaufmann. Ceux qui me lisent sur Twitter ces derniers temps savent qu'il m'agace de plus en plus, car là où il y 10 ans il n'y avait que splendeurs vocales et sex appeal ténoresque, il n'y a plus pour moi aujourd'hui que couleur barytonnale, tics et maniérismes. J'étais donc très circonspecte avant de commencer mon écoute. Et bien, je fus plutôt agréablement surprise, car si elle est loin d'être parfaite ou de référence, c'est une belle version, avec du charme et qui ne suscite jamais l'ennui.

Pappano y est pour beaucoup, qui sait varier les atmosphères, créer des images, être grandiose ou intime lorsqu'il le faut, et toujours vivant et dynamique. Bravo d'ailleurs au choeur et à l'orchestre de l'Accademia di Santa Cecilia, qui sont remarquables.

Côtés chanteurs, tous les second rôles ont été intelligemment distribués. Si Schrott est un peu falot en prêtre, sa voix n'en est pas moins superbe. J'ai aussi trouvé la Sacerdotessa d'Eleonora Buratto (Adina récemment à... Malpensa!) particulièrement bien chantée, avec une voix plus riche que ce qu'on a coutume d'entendre dans le rôle. Tézier a toujours une belle présence vocale, mais son Amonasro m'a laissée assez indifférente, au contraire de Semenchuk, que j'ai trouvée incandescente, avec des aigus absolument radieux. Quel dommage qu'elle ait tendance à poitriner son grave et que sa diction ne soit pas plus claire!

Et Jonas, me direz vous? S'il abuse toujours autant des effets (voix de tête, détimbrage, sombrage...) il dessine malgré tout un Radames touchant, pas tout à fait assez héroïque à mon goût mais qui ne m'a pas autant agacée que je le craignais. Il est bien mieux ici que dans son récent Puccini Album, que j'ai trouvé exaspérant... mais bon, ça manque quand même de soleil et ce n'est certes pas lui qui détrônera Franco Corelli de mon firmament des meilleurs Radames. Par contre, son Aida mérite d'y faire une entrée fracassante! Prodigieuse Anja Harteros! Couleurs, phrasés, diction, tempérament, elle a tout. La plus belle Aida pour moi depuis... depuis Price? Quel dommage qu'à l'issue d'un "O patria mia" d'anthologie elle rate son Ut du Nil, hélas trop bas... mais bon, elle se rattrape dans la scène finale, la plus belle que j'aie entendu depuis Alagna / Gheorghiu dans leur Verdi per Due avec Abbado.

Pour elle, l'Aida la plus céleste de ces 40 dernières années, et pour Pappano, ce CD est donc une acquisition qui vaut la peine!

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