Après-midi famille dimanche dernier à l’Opéra
Bastille : plein de gosses dans la salle, pas mal de touristes et une
ambiance détendue plutôt sympathique. Corollaire, bien sûr : public qui
applaudit un peu n’importe quoi n’importe où, mais bon ce n’est pas bien grave.
Entre les deux casts proposés, j’avais choisi celui avec Stanislas de
Barbeyrac et Nadine Sierra, car fan de l’un et intéressée par l’autre. Que j’ai bien fait ! Le Tamino de Stanislas de Barbeyrac a tout ce que j’aime
dans ce rôle : une couleur lumineuse, des phrasés nobles, un legato
splendide et une absence totale de cette mièvrerie rédhibitoire chez certains interprètes.
Ajoutons à cela une diction claire et le physique du rôle, qui fait qu’il
semble descendu de la planète du Petit Prince. J’étais furieuse que le chef enchaîne si vite après son « Die Bildnis » exemplaire, ce qui n’a
même pas laissé le temps au public d’applaudir.
Face à lui, la Pamina de Nadine Sierra est une
vraie bonne surprise. Voix large et timbre charnu, elle possède en outre une
incroyable palette de dynamiques et un éventail de nuances dans
« Ach ich Fuhl’s » tel que j’en ai rarement entendu. Jolie
personnalité également, qui lui permet de camper une jeune fille forte et moderne.
Une chanteuse que je vais continuer à suivre, y compris dans des rôles plus larges que
la puissance évidente de sa voix va sûrement lui permettre d’aborder dans les
années à venir.
Autre triomphateur de la soirée : le
Papageno bien rôdé de Michael Volle, en oiseleur vieux briscard particulièrement
réussi et drôle. Vocalement, le rôle est un jeu d’enfant pour lui, son métier
lui permettant d’allier à la fois la truculence et la poésie du personnage. Ce
n’est hélas pas me cas d’Albina Shagimuratova, qui si elle a le format n’avait
pas cet après-midi-là la mobilité dans la vocalise et l’assurance dans l’aigu.
Sans doute un mauvais jour, car on sait quelle Reine de la Nuit elle peut être
(cf version de la Scala). Belle découverte pour moi que le Sarastro de Tobias
Kehrer : quelle autorité ! Quels graves abyssaux ! Franchement impressionnant.
Je veux le réentendre en Commendatore !
Côté seconds rôles, jolie Papagena de Christina
Gansch, pas trop légère pour une fois; remarquable trio de garçons des Aurelius
Sängerknaben Calw (et forts en football en plus); trio de dames correct sans
plus car pas assez équilibré à mon goût : on entendait trop le soprano 1
et quasi pas l’alto. Rien à redire des duos de soldats et de prêtres, bien
chantants. Et enfin, un chapeau bas à José Van Dam, revenant sur scène à 76
ans avec toujours ce timbre si particulier et cette autorité un peu inquiétante
qui donne à son Sprecher une tonalité quasi d’outre-tombe. Enfin, les chœurs de l’ONP se sont montrés sous leur
meilleur jour, solides et bien en place.
Il n’en va hélas pas de même de l’orchestre
(hormis mon ami Jean-Yves Sébillotte qui scintille dans ses solos de célesta), plombé par la direction lourdaude de Henrik Nánási (chef inconnu à mon
bataillon). Tout est sur-appuyé, trop souligné, empâté… on perd la grâce de l’ensemble
(d’où des décalages dans l’ouverture). Et ces tempi de sénateur… cette
direction participe à la réussite mitigée des deux airs de la Reine de la Nuit :
comment voulez-vous être en place sur la longue vocalise finale du premier air
quand vous êtes à ce point alourdie par le chef ? Bref, encore une fois à
Paris, quand on a un cast de premier ordre on a soit un chef de second plan,
soit un somnifère made in Philippe Jordan. Ça commence à être lassant.
Reste la mise en scène de Carsen. Et bien pour
moi ce n’est pas une réussite. Si c’est visuellement acceptable et que cette
avant-scène autour de l’orchestre est une vraie bonne idée (cela rapproche les
chanteurs, habituellement si éloignés du public dans le grand vaisseau de
Bastille), s’il y a des effets réussis (la division haut / bas au second acte, le projections vidéo),
tout cela manque de merveilleux et de magie. L’entrée de la Reine de
la Nuit, anodine et privée de sa stature surhumaine, en souffre beaucoup. Idem
pour l’arrivée des animaux appelés par la Flûte : quelques vagues oiseaux
sur un écran, c’est maigre comme pouvoir enchanteur. Le reste n’est que déjà-vu
(Papageno SDF) ou ennui. Mes enfants ont été déçus, et ils n’étaient
certainement pas les seuls dans la salle. Et oui, M. Carsen, multiplier les flûtes
sur scène ne suffit pas à les enchanter. Pourquoi l’ONP ne nous rend-il pas la
merveilleuse mise en scène de Benno Besson, et à Garnier s’il vous plaît ?
C’est tout bonnement incompréhensible, et c’est tellement dommage !
Photos : © Emilie Brouchon/ONP
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