En première partie, l’Orchestre de Paris, en formation
resserrée, faisait entendre toute sa palette de couleurs, de dynamiques et tout
le talent de ses solistes. Quelles qualités notamment chez les cors, les
flûtes, les bassons ! Sans baguette, libérant son exceptionnelle gestuelle
des mains, Esa-Pekka Salonen dirigeait au cordeau cette partition où le rythme
est si prégnant, son corps suivant les pulsations et mouvements de la musique
dans une sorte de danse que je ne me lasserai jamais d’admirer. Voir Salonen
diriger, c’est pour moi aussi beau que de voir Nicolas Le Riche danser du
Béjart. Un moment de grâce conclu par un crescendo hallucinant, qui me permit
de constater l’exceptionnelle acoustique de cet auditorium que le monde va nous
envier (cf tweet du même Salonen cette semaine disant, en résumé :
« Londres, quand aurons-nous la même ? »).
Après la pause, la phalange parisienne revenait au complet,
accompagnée d’une petite formation du Chœur de l’Orchestre de Paris, des
enfants de la Maîtrise et d’un cast de chanteurs de premier plan, pour une
version de concert de l’Enfant et les sortilèges. Amusante idée d’avoir
distribué aux chanteurs des panneaux indiquant quels rôles ils chantent, ce qui
permettait de s’y retrouver malgré l’absence de mise en scène (mais provoqua
quelques rires au début). Le cast fut dominé sans conteste par Sabine Devieilhe
en Feu/Princesse/Rossignol qui, drapée dans un merveilleux fourreau de soie mauve,
put faire entendre toute la palette de ses couleurs, piani et trilles, avec une
justesse proprement époustouflante. Duos des chats hilarants avec le très beau
mezzo de Julie Pasturaud et le ténor Jean-François Lapointe, interventions brèves
mais gracieuses d’Omo Bello en Chauve-souris/Chouette, hilarant François Piolino (l’Arithmétique/La Grenouille), très belle basse de Nahuel di Piero.
Seules déceptions : l’Enfant un peu limité côté volume de Hélène Hébrard
et la Maman d’Elodie Méchain, dont la diction se perdait dans l’onctuosité du
grave. Interventions somptueuses de rythme et de diction par contre chez le
Chœur, à l’impressionnante justesse sur les passages a capella. Salonen tenait
l’ensemble de main experte, faisant swinger l’Orchestre de Paris lorsqu’il le
faut, communicant sans cesse avec les chanteurs. Il est aujourd’hui sans égal
dans ce répertoire. Une performance dans l’ensemble mémorable.
Côté acoustique, je mettrai un bémol : la salle semble
peu favorable aux voix de tessitures médianes, qui sont écrasées par
l’orchestre. Impression à confirmer vendredi (j’y retourne pour le Requiem de
Berlioz et Sokhiev) et peut-être petit défaut à corriger quand la salle sera
véritablement achevée.
Pour finir, sachez qu’esthétiquement également je trouve la
Philharmonie magnifique. Aussi bien côté extérieur (ce gros diamant posé dans
un envol d’oiseaux argentés) que côté intérieur. Je me fiche du prix que ça a
couté : Paris et la Culture méritaient bien un auditorium
d’exception. Je rappelle aux grincheux que l’Euro 2016 de football coutera bien
plus cher au contribuable, durera moins longtemps et n’apportera rien à l’Art.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire