samedi 2 mai 2015

Turandot explosive à la Scala (radiodiffusion du 1er mai)

Et non, je n'étais pas à Milan hier pour l'ouverture de l'Expo 2015, ni pour la Prima de cette Turandot scaligère qui promettait beaucoup et qui, droits non cédés obligent, n'était même pas visible en image en streaming sur RAI5! Heureusement, la soirée était radiodiffusée par Rai radio 3 et ce qu'il y a de bien quand on n'a que le son, c'est qu'on peut se concenter sur la musique et sur les voix.

Tout d'abord, cette première apparition de Riccardo Chailly (sauf erreur de ma part) en Maestro Scaligero est une révélation. Quelle direction! Couleurs fantastiques (les cordes!), plans sonores hyper équilibrés qui m'ont permis d'entendre au 2e acte des choses que je n'avais jamais entendues, rythme, engagement, intensité... Chailly nous offre une Turandot aussi paroxystique que brillante, survoltée et cohérente. Un triomphe. Les choeurs de la Scala sont eux supérieurs à n'importe qui d'autre dans ce répertoire. Il faut entendre les aigus des soprani au finale du 2e acte: époustouflants! Bref, je me suis éclatée, c'était fantastique.

Côté voix, beau trio de masques avec des voix de taille, sauf peut-être le plus léger des deux ténors, mais ce trio n'est pas assez "buffo" à mon goût, cela dit c'est peut être voulu (ministres sinistres et pontifiants...). Altoum de grande classe, sonore, pas chétif pour deux sous. Beau Timur, puissant et digne. Servantes au joli timbre et réussissant de belles couleurs lunaires. Passons aux rôles principaux.

Dans les échecs de la soirée, le Calaf d'Anleksandr Antonenko, mais y a-t-il aujourd'hui quelqu'un qui puisse rendre justice à ce rôle, tout de puissance et de soleil? À mon avis non. Donc, Antonenko est aride de timbre, court d'aigu, survibré, avare en couleurs et étranger au style et à la ligne pucciniens. Son seul programme: le décibel. Aucune nuance, pas la plus petite ombre de diminuendo ou d'intention d'interprétation. On ajoute un beau canardage au moment de la mort du Prince de Perse, dont l'aigu sur "Turandot" est plus réussi que le sien! Bon, il ne rate pas trop son "Nessun dorma", mais c'est sans émotion et dans l'ensemble la performance est ennuyeuse et donc de peu d'intérêt.

C'est dommage car ses deux partenaires féminines sont ce que l'on peut trouver de mieux actuellement! Très en forme, malgré un petit accident dans "In questa regia" (qui cueille toutes les chanteuses à froid), Nina Stemme est une Turandot de glace et de lave à la fois, aux aigus dardés, aux graves immenses, à la sensibilité à fleur de peau. Ne lui manque à mon avis qu'un cantabile un peu plus délié, mais sans doute cela va se roder dès la seconde représentation, une fois évacué le stess de la prima. Néanmoins, une performance vraiment convaincante qui impose d'emblée Stemme comme une référence dans ce rôle. La plus belle Turandot depuis Nilsson pour moi.

Et enfin, la Liù de Maria Agresta. Il n'est pas nouveau que j'adore cette chanteuse, dont la voix corsée, très italienne, nous change des voix stéréotypées des russes ou des américaines. Et encore une fois, elle est merveilleuse. On confie rarement Liù à des sopranos ayant son ampleur vocale -- les Norma sont souvent plutôt des Turandot (Callas, Caballé) -- et on a tort! Pour avoir longuement peiné sur ces airs qui sollicitent fortement le registre grave, je ne suis pas du tout pour confier ce personnage à des petites voix. Beaucoup s'y sont d'ailleurs cassé les dents (Bayó, Hendricks...), alors que c'est si génial quand c'est chanté par une grande voix, comme Tebaldi, Freni ou Scotto! Agresta se situe dans la lignée de ces trois là. À l'aise dans la tessiture, elle peut par conséquent y distiller une émotion rare; elle est la petite femme puccinienne dans tous ses aspects, son "Tu che di gel sei cinta" est à fendre les pierres! Une grande incarnation et un triomphe mérité à l'applaudimètre.

Une très belle et très grande soirée, dont il ne me reste plus que de trouver le moyen de voir les images!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire