dimanche 2 juin 2019

Mario, con te... | Tosca, Opéra de Paris, 01/06/2019

Quand on a assisté à une soirée grandiose, ça donne envie de rouvrir un blog laissé longtemps en jachère. L'esprit n'en a pas changé: aucune vocation de critique, juste un compte-rendu (certes informé) de mes joies et de mes déceptions.

Historique de ma présence hier à Bastille : en apprenant l'annulation des premières dates de cette Tosca parisienne par Jonas Kaufmann, pour cause de fausse voie (sans mauvais jeu de mots), je n'avais pas été surprise. Par contre, en apprenant que la première avait vu pour le remplacer Vittorio Grigolo et n'ayant pas pu y aller car j'étais dans un avion entre Zurich et Paris, j'étais franchement dégoûtée. Du coup, je m'étais dit: mince, Tosca est mon opéra préféré, j'en connais chaque note, je n'ai pas vu la production d'Audi, je devrais peut-être me prendre une place. Mon choix s'était arrêté sur le 1er juin, parce que ça convenait dans mon planning un peu surchargé et parce que, qui sait, je pourrais peut-être me réconcilier avec Jonas, et puis il y avait Yoncheva et Salsi, alors pourquoi ne pas essayer... Et là, mercredi matin, je pousse un cri de joie: Kaufmann a annulé et VITTORIO le remplace!!! L'occasion manquée se représente! Du coup, je compte les jours et enfin arrive samedi. On m'annonce l'annulation de Yoncheva? Pas grave, sa remplaçante Elena Stikhina est paraît-il superbe et puis de toutes façons rien ne peux gâter mon humeur. Ce sera forcément une grande soirée... Et ça l'a été!!!

Dès son entrée, Vittorio Grigolo EST Mario, il n'y a rien à ajouter, il a tout: la couleur, magnifique de lumière, le volume (il remplit plus Bastille que beaucoup), la ligne, la diction, les demi-teintes, les nuances... et le physique! Pour Mario c'est quand même vraiment un plus (désolée, je suis futile, mais j'assume). Son Recondita armonia, qui cueille si souvent les ténors à froid, est merveilleusement phrasé, émouvant, subtil, et sans les excès de mouvements de bras dont il est coutumier. Et quand entre la Tosca d'Elena Stikhina, l'alchimie entre les deux chanteurs est immédiate: ils ont l'air tellement vrais, amoureux, jeunes (bon, c'est un peu excessif au niveau du bécotage quand même)! L'acte II trouve également Vittorio en pleine forme, lançant ses Vittoria avec force et panache, sans se rater sur la reprise grave et l'acte III nous vaut un E lucevan le stelle tout en émotion et désespoir, qui déchaîne les bravos d'un public conquis. Vittoria! Rajoutons qu'il meurt très bien, après avoir été décollé des lèvres de sa partenaire, il a jusqu'aux genoux qui tremblent avant le coup fatal. Par contre c'est dommage qu'il fasse à ce point le clown aux saluts, même pour moi c'est too much.

Place à sa partenaire du soir, Elena Stikhina, remplaçant donc au pied levé une Yoncheva grippée (elle a été prévenue vers midi!). Elle m'a séduite tout en me laissant perplexe. La silhouette est magnifique, gracieuse, avec un port de reine (ou de madone), le personnage, mi première communiante mi tigresse, est intéressant. La voix est belle, on sent que le volume peut être considérable mais la chanteuse est sur la réserve, chantant très piano et interrompant assez abruptement toutes ses fins de phrases. C'est déroutant mais ça interpelle. Après, il est impossible de juger vraiment: elle n'avait pas répété, on n'a même pas eu le temps de mettre à sa taille la robe prévue au IIe acte (elle portait la même robe qu'au Ier, juste agrémentée d'une tiare)... Sans doute avec des répétitions aurait-elle été plus à l'aise. Néanmoins un Vissi d'arte merveilleusement recueilli qui m'a séduite, n'eut été un étrange effet sur "signior", presque hoqueté... était-ce voulu? Admettons. Grande impression au moment du meurtre : elle tue Scarpia avec une sauvagerie terrible, et j'ai trouvé son rire au moment du "avanti a lui tremava tutta Roma" très bien trouvé! Très bel acte III enfin, touchante et fragile dans le duo et avec un cri final à la mort de Mario si vrai qu'il m'a fait frémir. Une belle Tosca que j'aimerais revoir dans des circonstances plus normales.

Luca Salsi, que j'avais apprécié en Francesco Foscari à la Scala, pâtit ici de l'acoustique de Bastille, ingrate pour les voix graves. Du coup, il se sent obligé d'aboyer parfois pour passer la rampe et c'est dommage. Sinon, le personnage de brute est bien dessiné, il fait peur à souhaits, mais l'interprétation est fruste. Je préfère somme toute des Scarpias plus sadiques et aristocratiques.

De bons comprimari, même si je n'ai pas adhéré à ce Sacristain sérieux... mais sans doute est-ce un choix de mise en scène (Eglise oppressante...). Mise en scène dont je n'ai d'ailleurs rien à dire: elle n'est, pour paraphraser un ami, "pas gênante" hormis le fait qu'elle nous prive du saut de Tosca dans le vide en situant le 3e acte en rase campagne dans un camp de l'armée de la Reine de Naples, rendant ainsi la fin bancale voire incompréhensible.

Les choeurs de l'ONP m'ont déçue dans le Te Deum (ça devient une habitude...). Ca manquait d'ampleur et de ferveur. Ils pourraient prendre des leçons d'engagement de la part du choeur du Teatro Carlo Felice de Gênes. Côté orchestre, Dan Ettinger parvient à tenir son plateau malgré les circonstances, mais que diable venaient faire ces coups de gong tonitruants au IIIe acte??? On n'est pas dans Turandot!

Ceci dit, ce ne sont que de petites choses, qui n'entachent pas ce qui est sans doute une des plus belles Tosca que l'ONP ait vu depuis longtemps. Aucun regret d'avoir cassé ma tirelire!

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