dimanche 16 novembre 2014

I due Foscari, second visionnage

Donc j'ai fini par réussir à revoir I due Foscari, opéra de Verdi que je ne connaissais pas du tout et dont la musique m'avait emballée lors du "live" du 17 octobre. Voici ce que j'en pense, après l'avoir revu.

I due Foscari est un opéra charnière. On est loin de Nabucco et du bel canto et déjà presque dans le ton de la Trilogie Populaire Traviata/Trovatore/Rigoletto. Ne manque qu'un livret moins obscur que la pièce de Byron et on avait un authentique chef d'oeuvre. Néanmoins, je le dis sans hésiter, cet opéra fait une entrée météoritique dans mon top verdien. Mélodies qui marquent, thèmes déclinés comme des leitmotivs, airs, ensembles: tout s'est imprimé dans ma mémoire en 2 écoutes, je pourrais déjà en chanter la moitié! J'y entends les germes de Traviata et Trovatore, mais aussi de Forza et même de Don Carlo. Bref, j'adore, et je remercie le Royal Opera House de me l'avoir fait découvrir. 

Alors, ce spectacle justement. J'ai lu des commentaires trouvant la mise en scène statique et sombre. Peut être en live, mais au cinéma ça passe très bien. Il est des mises en scènes cinégeniques et d'autres non (cf la Flûte de cet été à Aix). Celle-ci l'est, les gros plans lui donnent une grande intensité et de plus les costumes et les lumières sont superbes.

L'orcheste est, comme d'habitude avec Pappano, superlatif, coloré, engagé. Sir Tony est un grand verdien, ce n'est plus à démontrer. Et pour ne rien gâcher il bénéficie d'un magnifique trio de chanteurs.

Maria Agresta est Lucrezia Contarini. Je vous le dis d'emblée: j'adore le personnage. Une femme, une épouse, une mère, forte, déterminée, mais pas pour autant une méchante comme Lady Macbeth. Et Agresta lui rend merveilleusement justice. Ses interventions son tour à tour enragées ou déchirantes. Voilà un vrai soprano verdien, avec ses couleurs, ses raucités, ses multiples facettes. Enfin une chanteuse de caractère, corsée, qui ne laisse jamais indifférent. J'attendais ça depuis la Fabbricini, je suis comblée. 

Francesco Meli est Jacopo Foscari, son mari, celui qui pendant presque tout l'opéra passe plutôt un mauvais quart d'heure. Le metteur en scène ne l'épargne pas: il chante soit dans une cage, soit enchaîné, soit prostré au sol. Mais quel artiste! Le rôle, élégiaque, lui va à merveille, bien mieux que Manrico. La ligne, le soin donné au couleurs, aux nuances, aux phrasés et à la diction (magnifique) ne cessent d'émouvoir. Et puis, voilà une vraie couleur de ténor, ça nous change! Alors oui, l'aigu est pafois tendu et affecté d'un début de vibrato lent, mais malgré ça, je craque!

Placido Domingo enfin, le Doge Foscari, vieux père du précédent. Il a l'âge du rôle, pour une fois, et il est en forme, pas comme à Salzbourg. Non, il n'est pas baryton, la couleur reste celle d'un ténor (mais la voix de Meli étant claire, ça ne gêne pas dans les ensembles). Et il est fantastique. Poignant, émouvant comme jamais. Avec toujours cet art consommé du chant, il invente à chaque instant cette tessiture qui n'est qu'à lui, et il tient le pari, jusqu'à la scène finale qu'il termine les larmes aux yeux. Un immense artiste, que l'on souhaite pouvoir apprécier encore longtemps. 

Vivement le DVD! (oui, oui, il y en aura un, j'en suis sûre, je l'ai demandé au Père Noël)

Petit post-scritum: j'ai, grande honte à moi, oublié le nom de la basse qui chante Loredano, le méchant de l'histoire. Mais il a très bien chanté: la preuve, il se fait gentiment huer aux saluts, un peu comme à Guignol! 

Copyright des photos: Royal Opera House

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