mardi 15 décembre 2015

L'humour et la grâce (Sabine Devieilhe et Pygmalion à la Philharmonie, 14/12/2015

J'ai toujours quelques craintes avant un récital : cet exercice qui consiste à enfiler comme des perles des airs les uns à la suite des autres ne m'a jamais vraiment convaincue. Je me demandais donc à quoi m'attendre pour ce récital Mozart de Sabine Devieilhe, qui risquait de se transformer en égrenage d'airs de concert, un exercice que je ne supporte que par la grande Edita Gruberova.

Et bien, ô miracle, il n'en fut rien. Centré autour du concept d'Académie mozartienne, programme calqué sur un concert effectivement donné en 1783 dans une Philharmonie reconfigurée pour l'occasion (écran noir devant l'orgue, scène reculée, pas de places à l'arrière), cette soirée a su, avec bonheur, alterner humour et grâce.

Sabine Devielhe est capable de charmer autant par cette délicieuse bluette qu'est "oiseaux si tous les ans" (le premier air que j'ai chanté quand j'ai commencé à étudier le chant... un choix qui surprend pour le moins) que par des morceaux de bravoure comme "Vorrei Spiegarvi" (dont elle brave toutes les difficultés techniques: les 3 contre-mi pianissimo, le double saut d'octave), "Vanne t'affretta" de Lucio Silla et ses interminables vocalises, et bien sûr l'inévitable "Der Hölle Rache", exécuté avec une telle sûreté que la chanteuse se permet un écho pianissimo sur la 2e volée de contre-fa.

L'Ensemble Pygmalion, sous la direction de Raphaël Pichon, n'est pas en reste, qui dans ses interventions solo fait sonner la symphonie Haffner comme un écho de l'ouverture de Don Giovanni, surprend par l'allant de ses danses allemandes ou émeut lors d'un adagio immatériel où se distingue la 1ère violon.

Mais en plus de ces moments de grâce mozartienne, nous avons eu droit à une surprise juste avant l'entracte, les artistes ayant décidé de nous improviser une scénette, une "académie", autour d'un air de Glück pioché dans un chapeau par une main innocente du public. Pianiste qui fait sa diva, soprano qui s'endore ou brode sur "nein, nein, nein", timbalier qui se vexe et s'en va de dépit, bois et pianoforte qui se disputent ou se passent le thème comme un témoin (quand ils ne lisent pas le journal), le tout en musique: c'est drôle, enlevé, inattendu et formidablement rafraîchissant! Enfin un peu d'humour dans le monde guindé des concerts. On en redemande!

Ce fut donc un grand moment de plaisir que cette "Académie pour les soeurs Weber", servi par de magnifiques artistes, qui savent communiquer leur joie de faire de la musique. Un beau cadeau de Noël, avec 10 jours d'avance!

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